Benzodiazépines
Les benzodiazépines (BZD, BZs), parfois appelées «benzos», sont une classe de médicaments anxiolytiques psychoactifs dont la structure chimique de base est formée par la fusion d’un anneau de benzène avec un anneau diazépinique. Le premier médicament: le chlordiazépide (Librium), a été découvert accidentellement par Leo Sternbach en 1955 et mis à disposition en 1960 par Hoffmann-La Roche, qui commercialise en 1963 la benzodiazépine diazépam (Valium). En 1977, les benzodiazépines deviennent les médicaments les plus prescrits.
Les benzodiazépines ont des propriétés anxiolytiques, sédatives. anticonvulsivantes, myorelaxantes et amnésiantes. Les benzodiazépines sont une cause fréquente d’intoxication aiguës, présentes dans environ plus de 70% (Bilan CAP – Alger) des intoxications médicamenteuses volontaires.
Sommaire
Intoxication aiguë par les benzodiazépines
Les intoxications aiguës par benzodiazépines seules sont à l’origine d’un coma calme, hypotonique, rarement très profond mais qui peut s’accompagner de complications respiratoires. Les benzodiazépines de courte durée provoquent des comas qui s’aggravent rapidement. Toutes les benzodiazépines potentialisent très fortement les effets dépresseurs du système nerveux central des autres psychotropes sans oublier l’alcool, avec le risque respiratoire que cela représente.
La dépression respiratoire franche induite par les benzodiazépines surtout d’action rapide doit être soulignée : triazolam, témazépam et flunitrazépam. Une bradycardie sinusale a parfois été observée au cours d’intoxications par le flunitrazépam et le loflazépate d’éthyle.
Une agitation et des hallucinations sont fréquentes avec le lorazépam au réveil du coma ou a‘ la phase initiale.
Chez les sujets âgés, l’intoxication aiguë par les benzodiazépines est parfois responsable d’un coma peu profond mais prolongé. La pérennisation de cet état s’accompagne de complications respiratoires tels un encombrement bronchique et une bronchopneumopathie de surinfection et nécessite une ventilation assistée souvent prolongée. Il existe chez ces patients une grande hypotonie musculaire pouvant être à l’origine de difficultés de sevrage du respirateur.
Chez l’enfant. l’intoxication accidentelle n’est pas exceptionnelle en raison de la grande disponibilité des benzodiazépines dans les foyers. Celle-ci est très souvent monomédicamenteuse. Le tableau clinique est par couséquent celui d’un coma calme hypotonique et hyporéflexique.
Analyse Toxicologique
L’extrême diversité des principes actifs ne permet pas le dosage spécifique de chaque principe actif en pratique courante.
ll existe des méthodes rapides de recherche semi-quantitative des benzodiazépines qui peuvent être réalisées sur le plasma ou les urines.
Toxicocinétique
L’absorption des benzodiazépines est rapide : la fixation aux protéines plasmatiques est importante (de l’ordre de 95 %), leur volume de distribution est de l’ordre de 1 l/kg. En revanche. il existe un éventail très large de demi- vie d’élimination permettant de distinguer les benzodiazépines d’action courte (triazolam : 3 h) de celles d’action longue (diazépam 43 h).
Ces médicaments sont éliminés par métabolisme hépatique, mais celui- ci est complexe, aboutissant dans un premier temps à une activation ou à une conservation d’activité (diazépam. desméthyldiazépam, oxazépam). puis à une inactivation. L’élimination urinaire sous forme inchangée est inférieure à 1 %.
Traitement
Traitement symptomatique
ll faut surveiller de façon attentive les patients présentant un trouble de vigilance mais qui ne sont pas intubés. La ventilation assistée est habituellement de courte durée sauf dans le cas de certains sujets âgés et lors de l’association très fréquente avec d’autres psychotropes.
Traitement évacuateur
Le lavage gastrique est inutile lors d’une intoxication pure par benzodiazépines. Une décontamination gastro-intestinale précoce, dans l’heure qui suit l’ingestion. par charbon activé per os, sera réalisée chez un sujet conscient.
Traitement spécifique
Le flumazénil (Anexate®) est un antagoniste spécifique des benzodiazépines. ll est efficace et bien toléré dans les intoxications pures. ll ne raccourcit pas la durée de l’intoxication mais en modifie l’expression clinique.
L’utilisation de flumazénil expose principalement à trois risques:
— réendormissement : la durée d’action des benzodiazépines est supérieure à celle du flumazénil (20 à 30 min) ;
— apparition d‘un syndrome de sevrage aigu, chez l’intoxiqué dépendant lorsque la posologie est trop élevée ou l’administration trop rapide;
— apparition de convulsions traduisant soit un syndrome de sevrage, soit la levée de l‘effet protecteur anticonvulsivant chez un épileptique, ou bien plus fréquemment en présence de toxiques convulsivants associés aux benzodizépines, en particulier les antidépresseurs tricycliques.
Les limites de l’utilisation du flumazénil proviennent des risques de convulsions ou de troubles du rythme graves lors d’intoxications polymédicamenteuses associant des produits convulsivants dont les plus fréquents sont les antideprésseurs. C‘est pourquoi l’interrogatoire de l’entourage, mais surtout l’examen clinique minutieux et l’analyse de l’électrocardiogramme sont des préalables a son utilisation. Lorsque le coma est compatible avec une intoxication par les benzodiazépines (coma calme, hypotonique et hyporéflexique) et l’électrocardiogramme normal ou non évocateur d‘une intoxication par antidépresseurs tricycliques, l’efficacité du flumazénil est probable, mais surtout le risque de convulsions devient très faible. En revanche. lorsque le coma est non compatible avec une intoxication aux benzodiazépines (agité, hypertonique avec signes pyramidaux, pupilles en mydriase), et l’électrocardiogramme très évocateur d’une intoxication par antidépresseurs (tachycardie > 120/min. allongement du QT. élargissement du QRS). l’efficacité est faible, voire nulle et et le risque de convulsions grand.
Le flumazénil est particulièrement utile comme test diagnostique lors d’un trouble de conscience. et pour éviter l’intubation lorsqu’elle n’est pas souhaitable (jeune enfant, insuffisant respiratoire chronique. personne âgée). Bien que le flumazénil ne possède pas l’AMM chez l’enfant, son utilisation devant une intoxication pure par benzodiazépines mérite d’être discutée.
Modalités du traitement
Chez l’enfant: la dose de charge est de 0.01 mg/kg en intraveineuse lente toutes les 2 minutes jusqu’au réveil complet. L’entretien du réveil nécessite une perfusion continue, la dose horaire initiale est égale à la dose de charge totale efficace. Une surveillance en milieu de soins intensifs est impérative.
Chez l ‘adulte ou la personne âgée : la dose de charge se fait par injections successives de 0.1 mg en intraveineuse lente répétées toutes les 2 minutes. L‘amélioration des troubles de la conscience doit être évaluée par les réponses aux ordres simples. ll ne faut pas chercher un réveil total et rapide ou utiliser des stimulations nociceptives qui sont susceptibles d‘amplifier le réveil et d’inciter à des réactions de refus. L’absence de réponse avec des doses de charge supérieures ou égales à 1 mg doit faire arrêter le flumazénil et rechercher une autre cause du coma. Le traitement d’entretien se fait en Perfusion continue. La dose horaire en perfusion continue est égale à la dose de charge. Par exemple, si un patient a été réveillé par 0.2 mg. la dose d’entretien à la phase initiale est de 0.2 mg/h.
Surveillance du traitement
ll faut insister sur le fait que la perfusion continue de flumazénil n’autorise pas un allègement de la surveillance. Un patient traité par flumazénil doit être hospitalisé dans une unité offrant une surveillance clinique constante et rapprochée.
Soumission chimique
Les benzodiazépines à courte durée d’action ont été utilisées dans un but délictueux en raison de l’intense amnésie (les faits récents qu’elles procurent (soumission médicamenteuse). Des patients peuvent consulter pour cette raison.
Le problème médical est de réunir les éléments étayant la prise médicamenteuse (analyse toxicologique précoce pour montrer la présence de benzodiazépines dans l’organisme, ECG à la recherche de rythmes rapides de type médicamenteux), et de noter soigneusement les éléments cliniques pouvant traduire des sévices (remise de documents, d’argent, confidences. actes sexuels).
Intoxication chronique
L’absorption chronique de benzodiazépines entraîne une amnésie, parfois gênante dans la vie sociale.
Syndromes de sevrage
Les syndromes de sevrage aux benzodiazépines, autrefois considérés comme rares. apparaissent d’autant plus fréquents qu’ils sont recherchés avec attention. Certains auteurs font état de la survenue d’un syndrome de sevrage chez 15 à 44 % des utilisateurs à long terme de benzodiazépines.
Selon la demi-vie de la benzodiazépine, le syndrome de sevrage s’exprime 3 à 4 jours (jusqu’à 1 semaine) après l’interruption d’un traitement dont la durée minimale est de 4 à 6 semaines.
Les circonstances de survenue du syndrome de sevrage peuvent être: soit un arrêt brutal, soit une diminution rapide de doses, soit le remplacement d’une benzodiazépine à demi-vie longue par une autre à demi—vie courte.
Les symptômes ne sont pas spécifiques et associent à une phase précoce : l’apparition de céphalées. d’une insomnie, et une inversion du rythme du sommeil qui doit éveiller l‘attention notamment lors de l’hospitalisation d’un patient pour un problème intercurrent. Il existe fréquemment une hypersensorialité avec hyperacousie. photophobies, paresthésie, hyperosmie, hypersensibilité au toucher et à la douleur. Le patient se plaint de vertiges et de spasmes musculaires. Puis; on observe l’apparition d’un syndrome confusionnel et au maximum la survenue de convulsions.
Le traitement repose sur la réadministration de la benzodiazépine, au mieux la benzodiazépine en question, sinon d’une molécule présentant une demi—vie d’élimination comparable.
L’arrêt des benzodiazépines doit toujours être progressif: il doit être étalé sur 4 semaines au moins. avec diminution par paliers.
Benzodiazépines hypnotiques
DCI | Spécialité et présentation | Demi-vie (h) | Dose thérapeutique (mg) | Dose toxique chez l’adulte (mg) | Dose toxique chez l’enfant (mg/kg) |
Loprazolam | Havlane® cp sec. 1 mg | 8 | 0,5-1 | ||
Triazolam | Halcion® cp. sec. | 3 | 0,125 | 5 | 0,05 |
Nitrazépam | Mogadon® cp. Sec. 5 mg | 23 | 2,5-10 | 50 | 5 |
Lormétrazépam | Noctamide® cp. Sec. 1-2mg | 10 | 0,52 | ||
Temazépam | Normison® capsule. 10-20 mg | 3 | 0,125 | ||
Estazolam | Nuctalon® cp. Sec. 2 mg | 24 | 1-2 | 20 | 0,02 |
Flunitrazépam | Rohypnol® cp. Sec. 1mg | 19 | 0,5-1 | 20 | 0,02 |
Oxazépam | Séresta® cp. Sec. 50 mg | 8 | 20-150 | 300 | 0,03 |
Benzodiazépines anxiolytiques
DCI | Spécialité et présentation | Demi-vie (h) | Dose thérapeutique (mg) | Dose toxique chez l’adulte (mg) | Dose toxique chez l’enfant (mg/kg) |
Alprazolam | Xanax® cp. 0,25— 0,50 mg | 12 | 0,5-4 | 15 | 0,1 |
Bromazépam | Lexomil® cp. 3,6 mg | 20 | 3-12 | 500 | 5 |
Clobazam | Urbany|® cp. 5—10- 20 mg | 30 | 5-30 | 100 | 1 |
Clorazépate
dipotassique |
Tranxène® gel 5-10- 50 mg | 40 | 10-100 | 500 | 5 |
Chlordiazépoxide | Librium® *cp. 23 5 m Librium® *cp. 10 mg | 23 | 6-40 | 500 | 8 |
Clotiazépam | Vératran® cp. sec. 5-10 mg | 4 | 5-15 | >300 | 1 |
Diazépam | Valium® cp. 2-5-10 mg sol. buv. 1 p. 100 | 30 | 5-60 | 500 | 5 |
Loflazépate | Victan® cp. sec. 2 mg | 77 | 1-3 | 60 | 0,2 |
Lorazépam | Témesta® cp. sec. 1-2,5 mg | 12 | 1-7,5 | 100 | 1 |
Médazépam | Nobrium®* cp. sec. 10 mg Nobrium * cp. sec. 5 mg | 70 | 5-30 | 500 | 5 |
Tofisopam | Seriel®* cp. 50 mg | 8 | 150-300 | 3000 | 30 |
Nordiazépam | Nordaz® cp. sec. 7,5—15 mg | 55 | 7,5-15 | ||
Oxazépam | Séresta® cp. 10—50 mg | 8 | 10-150 | 500 | 5 |
Prazépam | Lysanxia® cp. sec. solution buvable 10—40 mg | 66 | 10-40 | 100 | 1 |
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