Les Mycotoxines sont des toxines fongiques (au nombre voisin de 400), le terme mycotoxine provient du grec mycos qui signifie champignon ou toxicum (du latin) qui signifie poison.

Ceux sont des molécules issues du métabolisme secondaire des champignons microscopiques (moisissures). Elles se développent sur les aliments et les contaminent.

Il existe un peu plus de 350 espèces de champignons microscopiques capables de produire ces mycotoxines : Essentiellement les genres : Aspergillus, Fusarium, Penicillium, Alternaria, Claviceps… etc.

Un même champignon peut produire diverses mycotoxines. Une même mycotoxine peut être produite par des champignons différents. La présence de champignons producteurs ne signifie pas toujours qu’une mycotoxine est produite. Une mycotoxine peut rester sur une denrée alors que le champignon n’est plus présent.

Si la toxine est en quantité suffisante dans l’aliment, elle peut provoquer une intoxication chez le consommateur (mycotoxicoses : ensemble de troubles non transmissibles dus à l’ingestion de mycotoxines).

Beaucoup de mycotoxines (aflatoxines surtout) sont dangereuses car ce sont de puissants carcinogènes.

Propriétés

  • Groupe hétérogène de substances toxiques,
  • Faible poids moléculaire (< 1000d), Peu volatils,
  • Peu solubles dans l’eau,
  • Difficilement métabolisées par les organismes vivants.
  • Très stables, par exemple à l’acidité et surtout thermostables (résistent à 250°c).

Sources d’exposition

Tout aliment moisi ne contient pas nécessairement de mycotoxines car toutes les espèces ne sont pas toxinogènes (générateurs de toxines). La toxinogénicité varie selon la souche et le stade de développement de la souche, les conditions de croissance et de la composition du milieu.

L’exposition par ingestion de denrées alimentaires contaminées soit :

  • Directement (pistaches, amandes…).
  • Indirectement: produits dérivés (ex : farines) ou des aliments finis (ex : pain, biscuits…).
  • D’origine animale (lait, abats, charcuterie..) si l’animal a consommé une nourriture contaminée.
  • Exposition à partir d’une eau contaminée.
  • Exposition par inhalation d’un air contaminé : habitation humide, moulin à cacahuètes.
  • Exposition par contact cutané.

Biosynthèse des mycotoxines

Facteurs influençant le développement des moisissures

La température : Entre 15 et 30°C. Certains : Fusarium (0 à 5°C). Aspergillus fumigatus (50°C).

L’humidité relative : 60 à 65% d’humidité relative.

Teneur en O2 : La plupart des moisissures sont aérobies et nécessitent une bonne oxygénation.

 CO2 : < 10 %.

pH (nature du substrat) : La tolérance au pH est très grande : pH = 3 – 8 (optimum 5-6).

Les conditions qui permettent un développement abondant des moisissures ne sont pas nécessairement celles qui déterminent une production optimale en toxines.

Facteurs influençant la toxinogénèse

La température : < température de croissance. Une espèce peut produire différentes toxines selon la température. Ex : Aspergillus ochraceus : Ochratoxine A (25-30 °C), Acide pénicillique (15-20°C).

Nature du substrat : La toxinogenèse y est plus sensible que la croissance.

Ex : Aspergillus flavus, production d’aflatoxines : ↓avec substrat animale /↑ avec substrat  végétal (arachide).

Certains traitements physiques des spores : Les souches résistantes aux traitements (60°C, γ) augmentent leur production des toxines.

Les Aflatoxines

Découvertes en 1960, appelées aussi Turkey X Desease. Les aflatoxines sont toxiques chez l’Homme et l’animal, et possèdent un pouvoir cancérigène élevé.  Trois espèces d’Aspergillus synthétisent les aflatoxines : A.flavus, A.parasiticus et A.nomius.

Figure 1. Aliment contaminé par les aflatoxines (Maïs).

Les principaux aliments contaminés : arachide+++, maïs, blé, riz, tournesol, les noix, les amandes. Les aflatoxines sont synthétisées par une voie métabolique dérivée des polycétoacides.

Structure des aflatoxines

Les aflatoxines comptent 17 molécules mais seuls 4 ont été isolées : Ce sont des métabolites de la bis-furanno-coumarine.

Ils se distinguent les uns des autres par la couleur de fluorescence :

  • Les composés B sont bleus à 425 nm.
  • Les composés G sont verts (green) à 450 nm.
  • Les indices 1 et 2 sont ceux de la mobilité chromatographique relative.
  • L’aflatoxine B1 est la plus abondante, suivie de G1.

Les vaches (ou femmes allaitantes) ingérant les aflatoxines B1 et B2 excrètent dans leur lait des métabolites hydroxylés des aflatoxines B1 et B2 dénommés aflatoxine M1 et M2 (milk).

Ordre de toxicité : l’aflatoxine B1 >M1 > G1> B2 >G2.

Figure 2. Structures chimiques des aflatoxines B1, B2, G1, G2, M1, M2.

Propriétés chimiques

Ce sont des cristaux à point de fusion élevé (240-290 °C), solubles dans les solvants organiques, pratiquement insolubles dans l’eau. La cuisson ou le chauffage des aliments (pasteurisation) ne détruit pas les aflatoxines.

Le traitement par l’ammoniaque des tourteaux d’arachides assurent la dégradation des aflatoxines (ouverture du cycle lactonique) mais sont interdites en alimentation humaine.

Toxicocinétique

Absorption : principalement par voie orale lors de l’ingestion d’aliments contaminés.

Distribution : Rapide car elles sont des molécules très lipophiles. Stockage : foie+++, rein, tissus musculaires et adipeux. Passage transplacentaire possible.

Métabolisme :

Pour être toxique ou mutagène, l’AFB1 doit être métabolisée par les enzymes microsomiales hépatiques NADP dépendantes. Il s’agit principalement d’une réaction d’hydroxylation qui aboutit à la formation de dérivés hydroxylés.

Figure 3. Métabolisme des aflatoxines.

Aflatoxine M1 : Toxique par voie orale. Elle peut être détoxifiée par conjugaison (acide glucuronique) → Excrétée dans la bile et l’urine.

Aflatoxine B2a : Un hémiacétal qui se lie fortement aux protéines → formation de base de Schiff →pourrait interférer avec les fonctions du foie → nécrose

On l’associe aux effets aigus de l’intoxication aflatoxinique.

NB : l’aflatoxine G1 donne également un hémiacétal comparable : aflatoxine G2a.

Aflatoxine B1 époxyde 2,3 : Métabolite éphémère. Fortement réactif →liaison covalente à l’ADN → mutation.

On l’associe à l’action mutagène et carcinogène des aflatoxines.

Elimination

L’Élimination des aflatoxines se fait par voie Biliaire sous forme conjuguée au glutathion, glucurono et sulfoconjugués (50% de l’élimination totale).

Urinaire (15-25%) s/f libre ou conjuguée.

Excrétion dans le lait de l’aflatoxine M1 proportionnellement à la quantité d’aflatoxine B1 ingérée.

Mécanisme d’action toxique

L’interaction Aflatoxine-Hépatocyte a lieu en plusieurs localisations :

Noyau:

  • Inhibition de l’ARN polymérase ADN dépendante;
  • Liaison covalente toxine-ADN;
  • Stimulation de la restauration de l’ADN.

Mitochondries :

  • Augmentation De la perméabilité des mitochondries;
  • Transfert des électrons interrompu;
  • Conséquences sur la respiration.

Membranes lysosomiales : Deviennent perméables → déperdition des hydrolases acides non liées.

Réticulum endoplasmique : Métabolisée dans le Réticulum endoplasmique → Dégranulation et désagrégation en formes polyribosomiales hélicoïdales.

Cytoplasme hépatique : Stimulation transitoire puis dépression de la glycogénolyse, et du métabolisme du glucose.

Fonctions métaboliques : Nombreuses fonctions sont inhibées:

  • Synthèse protéique;
  • Synthèse du facteur II et VII de la coagulation sanguine;
  • Transformation métabolique du glucose (glucose 6 phosphate et 1);
  • Synthèses d’acide gras, phospholipides ralenties.

Cancérogénicité Mutagénicité :

  • Activation métabolique d’un agent alkylant l’ADN (époxyde-2,3);
  • Rupture de l’ADN dans les cellules animales et végétales;
  • Aberrations chromosomiques;
  • Test d’Ames positif.

Mais également :

Effet immunosuppresseur : D’où une prédisposition à une surinfection;

Action sur les hormones : Toxine non métabolisée concurrence les hormones stéroïdiennes sexuelles.

Symptomatologie

Intoxication aiguë

Chez l’animal :

La sensibilité des espèces est très différente (souris sont les moins sensibles). Le principal organe cible est le foie, la mort survient 72 heures après administration de la toxine. DL50 chez le rat : 1 mg/kg.

Chez l’homme :

Atteinte hépatique avec ictère et hépatomégalie souvent fatale. Certain auteurs suggèrent qu’elles pourraient être à l’origine d’un Syndrome de Reye → Souvent fatal.

Intoxication chronique

Par accumulation de doseChez l’animal : Cirrhose, Cancérogenèse, mutagénicité: aflatoxines B1 (hépatocancérogène). Chez l’homme : Elle se traduit par des infiltrations graisseuses et est à l’origine de cancers.

Etudes épidémiologiques : corrélation positive entre l’ingestion d’aflatoxines et le cancer du foie.

Aflatoxines B1 B2, G1 et G2 : Classe 1 (CIRC)

Autres mycotoxines

Ochratoxine A

Elaborée par Aspergillus ochraceus et Penicillium viridicatum. L’orge est l’aliment le plus fréquemment infecté. L’organe cible pour l’ochratoxine A est le rein (néphropathie endémique des Balkans).

Toxicité

Effets immunodépresseur : Hautement cancérogène pour le rein (CIRC : groupe 2B) : formant des adduits à l’ADN suite à la formation de quinone.

Effets tératogènes chez certains animaux.

DL50 chez le rat : 20 mg /kg.

Trichothécènes

Produites par diverses espèces de Fusarium et Trichoderma. Ex : toxine T2, déoxynivalénol (DON). Essentiellement présentes dans les aliments à base de maïs. Les trichotécènes sont irritantes pour la peau et peuvent causer des rougeurs à faibles doses.

Elles sont responsables d’aleucie toxique alimentaire (ATA). La symptomatologie se déroule en 3 phases :

1ère phase : Inflammation des muqueuses bucco-pharyngées puis du tractus gastro-intestinal. Puis apparition d’une diarrhée 3 jours plus tard.

2ème phase : Asymptomatique durant 15 à 20 jours, durant laquelle se développe une aplasie des systèmes lymphoïde et hématopoïétique.

3ème phase : Leucopénie avec agranulocytose très importante, thrombopénie.

Le taux de mortalité varie énormément en fonction du taux de toxines ingérées.

La fumonisine : atteinte cérébrale et hépatique

La zéaralénone : hyper-oestrogénisme (fixation compétitive sur les récepteurs oestrogéniques): avortements, atrophies des ovaires, hypertrophies des glandes mammaires,

La Citrinine : lésions importantes aux reins

La patuline : neurotoxique et produit des altérations pathologiques sévères dans les viscères

Mycotoxines environnementales

Dans l’environnement intérieur : Alternaria, Aspergillus, Chaetomium, Cladosporium, Fusarium, Menoniella, Penicillium, Stachybotrys et Trichoderma peuvent produire de nombreuses mycotoxines. La majorité, sont des cytotoxines :

  • Bloquent la production de surfactants;
  • Détruisent les macrophages au niveau pulmonaire;
  • Attaquent l’épithélium pulmonaire → colonisation des cavités alvéolaires par la moisissure.

Ceci peut entrainer :

  • Exacerbation de l’asthme;
  • Certaines affections comme : poumon de fermier atypique (organic dust toxic syndrom);
  • Survenue d’infections secondaires (immunosuppresseurs);
  • Peut atteindre la circulation générale → effets systémiques (tension artérielle et le rythme cardiaque).

Traitement

  • Traitement de l’insuffisance hépatique et de l’atteinte rénale;
  • Antibiothérapie;
  • Les substances anti-oxydantes: vitamines (A, D et E), riboflavines, caroténoïdes et le sélénium inhibent la complexation des mycotoxines  à l’ADN.

Techniques d’analyse des mycotoxines

Prélèvement : Fluides biologiques (sérum, urine, lait), matrices solides (graines, noix…).

Extraction : Utilisation d’un anticorps antimycotoxine immobilisé sur un support.

Détection et dosage : Après élution, analyse par :

CCM : adapté pour les échantillons multicontaminés avec des teneurs élevées de mycotoxines.

HLPC/fluorescence : méthode de choix permet  de détecter des concentrations de l’ordre du ng/kg

LC/MSMS : très coûteuse

CPG : réservée aux mycotoxines qui peuvent être volatilisées ex : trichothécènes

Méthodes immunoenzymatique type ELISA.

Réglementation

En Algérie :

Arrêté du 11 octobre 2006 rendant obligatoire la méthode de dosage de l’aflatoxine B1 et la somme des aflatoxines B1, B2, G1 et G2 dans les céréales, les fruits à coque et les produits dérivés.

Domaine d’application: teneurs en aflatoxines > 8 μg/kg.

Extraction par le méthanol et dosage par CLHP/fluorescence et dérivation post-colonne à l’iode.

Certificat sanitaire vétérinaire d’exportation de lait (Belgique vers l’Algérie) :

Une analyse par trimestre.

Les analyses doivent être réalisées par un laboratoire agréé par l’AFSCA (Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire)

Les mycotoxines doivent être absents des poudre de lait et matières grasses laitières anhydres.

Comment limiter la présence de mycotoxines dans les denrées :

Il n’existe pas de méthodes universelles de décontamination qui pourraient convenir à toutes les mycotoxines.

La prévention au champ : par l’utilisation d’insecticides et/ou de fongicides.

La prévention au stockage : Séchage soigneux des grains et contrôle de la T°, de l’humidité et de l’oxygénation dans les silos.

Le traitement

Les méthodes chimiques : Décontamination des aflatoxines par l’hydroxyde d’ammonium.

Les méthodes physiques : Nettoyage, le tri manuel, la séparation mécanique, irradiation, extraction par des solvants (coup élevé), adsorption (argile, charbon actif).

Les méthodes microbiologiques : Dégradation par de nombreuses souches de bactéries et levures.

 

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