Pendant longtemps, le chrome a retenu l’attention des toxicologues en raison des accidents observés dans des milieux industriels traitant cet élément métallique. Il s’agit d’un Oligo-élément essentiel à la santé humaine  (Cr3+) qui fait partie de la série des métaux de transition. C’est un métal dur, d’une couleur gris acier-argenté. Il résiste à la corrosion et au ternissement.

Propriétés physicochimiques

Plusieurs états d’oxydation : depuis Cr(0), jusqu’à Cr(VI) [Cr(I), Cr(II), Cr(IV) et Cr(V) instables].

Chrome et ses composés sont tous solides à la température ambiante, sauf le chlorure de chromyl, qui est un liquide fumant.

Cr II : Chlorure chromeux (CrCl2) ; Cr III : Chromite (FeOCr2O3) ; Cr VI : Dichromate de potassium(K2Cr2O7).

Utilisations et Sources d’exposition

Industrielles Et Professionnelles

  • Production d’alliages résistants à la corrosion;
  • Fabrication de chromates et de bichromates. Ils ont des utilisations: industrie textile, imprimerie, tannerie, teinturerie, photographie.
  • Industrie de la cimenterie, de la peinture, du cuir, de l’automobile; chimie industrielle. Manipulation de ciment contenant du chrome hexavalent.
  • Soudage d’alliages à base de chrome.
  • Les prothésistes dentaires peuvent être exposés aux poussières de chrome.

Médicales

  • L’utilisation de solutions de bichromate de potassium ou de l’acide chromique par voie externe comme caustique pour le traitement des verrues.
  • Le Cr51 est utilisé en biologie pour la mesure du volume sanguin.

Environnementales

  • Le chrome peut être un contaminant des atmosphères urbaines, Les aliments et eau de boisson;
  • Industrie de l’automobile;
  • Le chrome se retrouve à l’état de trace dans de nombreux produits (eau de javel, détergents) qui peuvent ainsi être à l’origine d’allergie cutanée.
  • la fumée de tabac.

Toxicocinétique

Absorption

Pulmonaire : Cr VI (50 – 85%) à action systémique ou locale en fonction de l’hydrosolubilité, Cr III (5 – 30%).

Digestive : 0,5 à 2 % (l’estomac réduit Cr VI en Cr IIIàfaible F du Cr VI) ce qui conduit à une saturation des systèmes de réduction en cas d’intoxication.

Cutanée : Les sels Cr VI : bien absorbés de façon topique par la peau à réduction en Cr III à haptène.

Distribution

La majorité du Cr VI est réduit, donc la majorité du Cr présent dans l’organisme est sous forme de Cr III. Le Cr III  se fixe sur les Bêta-Globulines surtout, mais aussi les transferrines, l’albumine. Il possède une faible pénétrabilité dans les GR.

Cr VI pénètre rapidement dans les GR où il se fixe à la chaîne bêta de l’hémoglobine ou il sera réduit en Cr III. Les composés du Cr VI traversent les GR, reins foie, rate et  cerveau, placenta via des canaux assurant le transfert d’anions tels que les SO42-  /  HPO42- ou HCO3 / Cl

Métabolisme

Essentiellement : GR, foie et rein.

À l’intérieur des cellules : le Cr VI est réduit en chrome Cr V et Cr IV très réactif et Cr III.

Principaux réducteurs: Ascrobates, Glutathion, Cystéine, NADP(H).

Le Cr III   incapable de retraverser la membrane cellulaire, s’accumule dans la cellule.

Excrétion

En cas d’inhalation, l’élimination urinaire est triphasique : demi-vies d’élimination : 7 h, 15 à 30 jrs, 4 ans.

L’excrétion est essentiellement urinaire sous forme de Cr III (> 80 %) et faiblement biliaire (<10%).

La concentration urinaire reflète la quantité de Cr VI soluble récemment absorbé.

Mécanisme d’action

  • Action physiologique :

Le chrome : oligo-élément essentiel et indispensable pour le métabolisme du cholestérol, et du glucose.

Le Cr III   est un des constituants du FTG (Facteur Tolérance au Glucose) qui favorise la bonne assimilation du sucre [le CrIII  occupe le centre de la molécule, qui renferme également 2 molécules de niacine (vitamine B3) et 3 acides aminés à savoir : l’acide glutamique, la glycine et la cystéine].

Il agit comme un activateur de l’insuline grâce à la formation d’un complexe entre les groupements SH de la membrane cellulaire et ceux de la chaîne A de l’insuline.

  • Action toxique :

Pouvoir oxydant puissant : composés héxavalentsà pouvoir méthémoglobinisant, caustique, irritant cutané et muqueux.

Induction d’un stress oxydatif : composés héxavalentsàAu cours de la réduction du Cr VI, des ERO se forment.

Action génotoxique : Cr V, Cr III , OH°. Le Cr III  se lie aux : nucléosides puriques ; oxygène des riboses ; groupements phosphatesàponts ADN-ADN intra et inter-brins, échanges de chromatide-sœurs, des aberrations chromosomiques.

Action cancérogène : présence concomitante de l’agent oxydant Cr(VI) et le Cr(III) dans l’environnement cellulaireàEROàgénotoxicité.

Action immunotoxique : Au niveau dermique, le Cr VI est réduit en Cr III qui joue le rôle d’haptène responsable de l’apparition de dermites.

Symptomatologie des intoxications

Toxicité Aiguë

Voie cutanée : Cr VI irritation « main du cimentier ».

Voie orale : Cr III entraine une inflammation massive et nécrose du tractus digestif (douleurs abdominales, nausées, vomissements diarrhées ). 12 à 20 heures plus tard → nécrose hépatique et rénale.

La dose mortelle par ingestion pour l’acide chromique est située entre 1 à 3 g.

Voie pulmonaire : OAP même 72 h après l’exposition.

Toxicité Chronique

Atteinte cutanée :

Dermite Eczématiforme ou Dermite de Contact : sur les avant-bras (bracelets de chrome).

Ulcères de Chrome : sur les mains et les avant-bras où il y a eu une rupture de l’épiderme cicatrice enfoncée (ouvriers de l’industrie du chromage électrolytique).

Irritation des membranes des muqueuses :

Atrophie de la muqueuse nasale + ulcérationà 50 % des travailleurs exposés aux chromates

Atteinte  Respiratoire : Asthme professionnel, urticaire.

Cancérogénicité : L’inhalation  chronique de composés Cr VI augmente de 10 à 30 fois le risque de cancer du poumon. Classification du CIRC des substances Cancérigènes :

Effets sur la reproduction : Femmes exposées au dichromateà augmentation de l’incidence des complications au cours de la grossesse et de la naissance (pas de conclusion sur la reprotoxicité du Cr).

En résumé :

Traitement

En cas d’ingestion

Administration d’acide ascorbique (Vit C= réducteur).

Le Lavage Gastrique peut être indiqué si le chrome est susceptible d’être présent dans l’estomac.

Traitement symptomatique: déséquilibre acidobasique; maintien des fonctions cardio-respiratoires… Chélation : EDTA calcique et dimercaptol .

En cas d’inhalation

  • Les patients devraient être retirés afin de ne pas être exposés davantage.
  • Si de la détresse respiratoire ou de la cyanose sont observés on procède à une oxygénothérapie;
  • Le bronchospasme devrait être traité avec des bronchodilatateurs.
  • Surveillance de l’OAP.

En cas d’Absorption Dermique

  • La peau devrait être irriguée abondamment avec de l’eau.
  • L’application topique d’une solution fraîchement confectionnée d’acide ascorbique à 10% ou d’une crème barrière contenant 2% de glycine et 1% d’acide tartrique.

Prévention

Mesures Médicales

Examens de pré-emploi, et surveillance continue des travailleurs.

Mesures Techniques

Hygiène Générale :

  • éviter les opérations dangereuses (broyage en vase clos);
  • effectuer l’aspiration des vapeurs et poussières;
  • ajouter 0,1 à 0,2% de sulfate ferreux au ciment pour réduire le Cr6+
  • ajouter 1% de zinc dans le fil à souder, entraîne une réduction significative du Cr6+ dans les fumées de soudure.

Hygiène Personnelle:

  • Habillement spécial: gants, tabliers;
  • Une pommade contenant de l’oxyde de zinc ou 10 % d’acide ascorbique est recommandée pour protéger la membrane muqueuse nasale.
  • Un appareil de protection respiratoire est indiqué.

Normes

La teneur en Cr total dans les eaux de boisson ne doit pas dépasser 50 µ g/l.

VEMP : Valeur d’Exposition Moyenne Pondérée :

Chrome, métal : 0.5 mg/m3

Chrome III : 0.5 mg/m3

Chrome VI : NIOSH a recommandé 2 normes atmosphériques :

TLV dérivés  potentiellement cancérogènes =1µg/m3.

TLV des autres dérivés : 25µg/ m3

Surveillance Biologique : L’ACGIH a déterminé deux (2) indices biologiques de l’exposition (IBE) pour les composés hexavalents :

  • IBE (1) : chrome urinaire total en fin de poste : VN <10µg / g créatinine
  • IBE (2): chrome urinaire total fin de semaine : VN <30 µg / g créatinine

Analyse toxicologique

Prélèvement : Air, Eau, Sol, Sang, Urines.

Minéralisation sulfonitrique sous pression à 60 °C.

Dosage

Chrome total :

SAAET, SAAF : (357,9 nm, 2450 °C):  sensibilité: eau (0.08µg/l), urines (0.18µg/l), sang (0.45µg/l).

ICP-AES, ICP-MS, CPG, chimiluminescence, activation neutronique.

Chrome héxavalent : 

Spectrophotométrie d’absorption dans le visible (colorimétrie) après action de 1,5 diphénylcarbazide à environs 540nm.

Sujet non exposé : Cr urinaire < 1µg/g de créatinine. Cr sérique : < 0,5 µg/L.

Chrome Érythrocytaire : Cr VI

Échantillonnage : prélèvements a/ Milieux biologiques : Sang, Urines b/ Prélèvements d’air

Minéralisation : par de l’acide nitrique (sang)

Les urine peuvent être analysé après ou sans minéralisation,

Les prélèvements d’air (filtres) minéralisé par acide nitrique et acide sulfurique.

Méthode de dosage par colorimétrie: (Méthode de TRUHAUT et BOUDENE):

Principe : ions CrO4 et CrO7 avec la diphénylcarbazide donnent La coloration rouge-violette susceptible d’un dosage colorimétrique à 540 mm.

Cr total: procéder a une minéralisation nitrique puis oxydation par KMnO(pour l’oxydation Cr III en Cr VI ).

Cr VI: dosage direct sans oxydation.

Cr III: déduit par différence entre le Cr total et le Cr VI.

Spectrométrie à absorption atomique  : Cette méthode est la plus utilisée, sa bonne sensibilité, sa spécificité en font un outil de routine satisfaisant.

 

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