Depuis un demi-siècle, différentes théories visant à modéliser la chromatographie ont été et continuent à être proposées. Les plus connues sont les approches statistiques (théorie stochastique), le modèle des plateaux, et l’approche par la dynamique moléculaire. Pour expliquer le mécanisme de migration et de séparation des composés dans la colonne, le modèle le plus ancien, ou modèle des plateaux de Craig, est une approche statique, jugée obsolète, mais qui permet de décrire de manière simple les séparations.
Bien que la chromatographie soit un phénomène continu, on considère dans le modèle statique de Craig, que chaque soluté se déplace progressivement en une suite d’étapes distinctes. Le processus élémentaire est représenté par un cycle d’adsorption/désorption. L’enchaînement de ces étapes reproduit la migration des fluides dans la colonne, de même qu’un film de dessins animés donne l’illusion du mouvement par un suite d’images fixes. Chaque étape correspond à un nouvel état d’équilibre de toute la colonne.
Ces équilibres successifs sont à la base de la notion de plateau théorique selon lequel la colonne de longueur L est découpée en N petits disques fictifs de même hauteur H, numérotés de 1 à n. Pour chacun d’eux, la concentration du soluté dans la phase mobile est en équilibre avec la concentration dans la phase stationnaire de ce soluté. À chaque nouvel équilibre le soluté a progressé d’un petit disque supplémentaire dans la colonne, appelé plateau théorique. La hauteur équivalente à un plateau théorique (HEPT ou H) vaut donc (1.5) :
Cette approche fait appel aux règles de développement des polynômes pour calculer, au niveau de chaque plateau, les masses réparties entre les deux phases en présence.
Si on se place à l’instant I , le plateau J contient une masse totale de soluté mT qui se compose de la quantité mM de ce soluté qui vient d’arriver de la phase mobile du plateau J −1, en équilibre à l’instant I −1, à laquelle s’ajoute la quantité mS déjà présente dans la phase stationnaire du plateau J à l’instant I − 1.
mT (I , J ) = mM(I − 1, J − 1) + mS(I − 1, J )
En posant que pour chaque plateau mS = KmM et mT = mM + mS, on peut, par une formule de récurrence, calculer mT (ainsi que mM et mS). Étant donné que, pour chaque plateau, le soluté est en équilibre de concentration entre les deux phases, la masse totale de soluté en solution dans le volume de phase mobile VM de la colonne demeure constante, tant que le soluté n’a pas atteint son extrémité. Quant au chromatogramme, il correspond à la masse transitant par la phase mobile au (N + 1)e plateau (fig. 1.5) au cours des équilibres successifs. Cette théorie a pour défaut de ne pas tenir compte de la dispersion due à la diffusion des composés dans la colonne.
Le terme de plateau théorique vient d’une approche ancienne décrivant la chromatographie en prenant pour modèle la distillation par Martin et Synge (prix Nobel de chimie en 1952). Ce terme ancré pour des raisons historiques n’a pas la signification physique de son homonyme servant à mesurer les performances d’une colonne à distiller. Il aurait peut-être été préférable de le baptiser par exemple du nom de Tswett !
Le temps total tR de migration du soluté dans la colonne peut être séparé en deux termes : le temps tM pendant lequel il est dissous dans la phase mobile et où il progresse à la même vitesse que celle-ci, et le temps tS pendant lequel il est fixé à la phase stationnaire et où il est donc immobile. Entre deux transferts successifs d’une phase à l’autre, on admet que les concentrations ont le temps de se rééquilibrer.
La chromatographie fait intervenir au moins trois équilibres : soluté/phase mobile, soluté/ phase stationnaire et phase mobile/phase stationnaire. Dans une théorie récente de la chromatographie, on ne parle plus de molécules immobilisées par la phase stationnaire mais simplement ralenties lorsqu’elles passent à proximité.
Last modified: 30 avril, 2015