Le screening toxicologique peut être défini comme étant une analyse chimique, logique et systématique, à la recherche de substances toxiques dont la présence n’est pas confirmée et dont l’identité n’est pas connue. Il est aussi le point de départ d’une analyse quantitative ciblée (Zeeuw,1998).
En effet, en toxicologie clinique ou médicolégale, les molécules recherchées peuvent êtres inconnues et les indices d’orientation absents ou insuffisants. Devant ces cas, l’analyste doit en un premier temps rechercher dans les milieux biologiques des molécules et/ou leurs métabolites parmi une gamme très large de xenobiotiques. Il doit par la suite confirmer leur présence, les identifier et les quantifier lorsque leur dosage est possible. L’interprétation des résultats se fera en coopération avec les cliniciens et en tenant compte des résultats des examens cliniques et biologiques.
Ces étapes constituent l’approche basique d’une « analyse toxicologique systématique » (Systematic toxicological Analysis ou STA) appelé aussi « screening toxicologique général » (General Unknown Screening ou GUS) ou encore « criblage toxicologique ».
Place du screening en toxicologie d’urgence et médicolégale
En toxicologie d’urgence, l’utilité de la recherche systématique est controversée du fait que la prise en charge d’une intoxication aigue reste essentiellement symptomatique et que les analyses quantitatives ciblées restent suffisantes dans la plus part des cas.
Les recherches de toxiques « tous azimuts» sont souvent inutiles et toujours coûteuses, c’est pourquoi plusieurs groupes de travaux multidisciplinaires ont récemment proposé des recommandations sur la prise en charge des patients intoxiqués et la place des analyses systématiques en urgence. Il en conclut que les criblages toxicologiques restent indiqués uniquement lorsque la symptomatologie est discordante avec le toxique suspecté, devant un tableau clinique sévère (coma, troubles neurologiques graves, défaillance cardio-circulatoire) ou si l’évolution clinique et les examens complémentaires sont incompatibles avec l’anamnèse ou le toxidrome initial. Dans ces situations, le screening permettra de confirmer l’intoxication, d’identifier d’autres toxiques que ceux suspectés ou d’exclure la cause toxique (Nisse,2010)
Par ailleurs, une recherche de toxique systématique large est toujours obligatoire dans le cadre médicolégal lorsque l’analyse vise à confirmer ou exclure une hypothèse toxique en cas de mort subite ou non-expliquée ou encore lors d’une recherche de drogues d’abus et certaines substances illicites.
Etapes du screening toxicologique
Comme toute investigation toxicologique, le screening évolue en une succession d’étapes pouvant être classées en étapes pré-analytiques, analytiques et post-analytiques.
Etapes Pré-analytiques
Ces étapes comprennent essentiellement l’anamnèse et la discussion avec le clinicien et permettent d’avoir des détails sur la clinique, les antécédents du patient, les circonstances de l’intoxication et éventuellement les résultats des examens biologiques.
Ces renseignements, lorsqu’ils sont disponibles, sont très importants et permettent de décider des priorités de l’analyse et d’orienter la recherche et le choix des milieux biologiques.
Etapes analytiques
L’analyse toxicologique dans le cadre du STA évolue selon 3 étapes clés (fig.1) aux quelles peut s’ajouter une étape de quantification des substances retrouvées si celle-ci est possible. Ces étapes sont :
- La préparation des échantillons afin de les rendre compatibles avec le système analytique.
- La détection des toxiques en combinant des tests de dépistage relativement non spécifiques (universels) avec des techniques de confirmation très spécifiques et sensibles.
- L’identification des toxiques retrouvés directement ou après comparaison à des substances de référence.
Figure 1 Les étapes clés de l’analyse toxicologique systématique (Flanagan, 2007)
La préparation des échantillons biologiques et la mise en œuvre des différentes techniques d’analyses dépendent de la stratégie analytique convenue et adaptée au cas à traiter, aux milieux biologiques reçus et aux matériels disponibles.
En général dans le cas d’une intoxication aigue, une stratégie basée sur les méthodes colorimétriques et spectrophotométriques en parallèle à une analyse par chromatographie sur couche mince sont suffisantes puisqu’elles permettent de détecter beaucoup de substances à intérêt toxicologiques à des concentrations élevées de l’ordre du milligramme. Cependant, certaines molécules échappent à ces méthodes et d’autres techniques complémentaires telles que l’immunoanalyse et les techniques de chromatographie en phase liquide ou gazeuse sont nécessaires et permettent de caractériser un éventail plus large de molécules.
Par contre, devant des intoxications subaigües ou chroniques où les molécules recherchées sont à des concentrations thérapeutiques ou infra-thérapeutiques, les méthodes chromatographiques couplées à des détecteurs spécifiques et dans certains cas les méthodes immunologiques , restent les techniques de choix qui couvrent un très grand nombre de substances avec plus de spécificité et une plus grande sensibilité.
Les principales techniques de préparation des échantillons et les méthodes analytiques utilisées pour le screening toxicologique sont revues en détail dans les chapitres II et III respectivement.
Etapes post-analytiques
Ces étapes regroupent l’interprétation des résultats et éventuellement la réalisation d’analyses complémentaires.
Les résultats toxicologiques ayant des conséquences cliniques et/ou médicolégales sérieuses, le dialogue et la coopération entre l’analyste et le clinicien ou le médecin légiste est d’une importance primordiale pour l’interprétation multidisciplinaire des résultats en tenant compte de la toxicocinétique et toxicodynamie des substances impliquées , mais aussi pour la discussion des multiples causes possibles de discordance entre la clinique et les données analytiques et la décision de la conduite à tenir pour la prise en charge du patient ou des conclusions de l’expertise toxicologique dans le cadre médico-légal.
Last modified: 20 janvier, 2015